Les prochaines Rencontres La Fontaine

Rendez-vous dimanche 3 novembre, à 15h30, devant la statue de Jean de La Fontaine, dans le Jardin des Plantes de Toulouse. 



Dimanche 3 novembre 2024

  

La Chatte métamorphosée en femme

 

Un Homme chérissait éperdument sa Chatte,

Il la trouvait mignonne, et belle, et délicate,

            Qui miaulait d'un ton fort doux :

            Il était plus fou que les fous.

        Cet Homme donc, par prières, par larmes,

            Par sortilèges et par charmes,

            Fait tant qu'il obtient du Destin

            Que sa Chatte en un beau matin

            Devient femme, et le matin même,

            Maître sot en fait sa moitié.

            Le voilà fou d'amour extrême,

            De fou qu'il était d'amitié.

            Jamais la Dame la plus belle

            Ne charma tant son Favori

            Que fait cette Épouse nouvelle

            Son hypocondre de Mari.

            Il l'amadoue, elle le flatte ;

            Il n'y trouve plus rien de Chatte,

            Et poussant l'erreur jusqu'au bout,

            La croit femme en tout et partout,

Lorsque quelques Souris qui rongeaient de la natte

Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés.

            Aussitôt la Femme est sur pieds.

            Elle manqua son aventure.

Souris de revenir, Femme d'être en posture.

        Pour cette fois, elle accourut à point ;

            Car ayant changé de figure,

            Les Souris ne la craignaient point.

            Ce lui fut toujours une amorce ,

            Tant le naturel a de force.

Il se moque de tout, certain âge accompli.

Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli.

            En vain de son train ordinaire

            On le veut désaccoutumer.

            Quelque chose qu'on puisse faire,

            On ne saurait le réformer.

            Coups de fourche ni d'étrivières

            Ne lui font changer de manières ;

            Et, fussiez-vous embâtonnés ,

            Jamais vous n'en serez les maîtres.

            Qu'on lui ferme la porte au nez,

            Il reviendra par les fenêtres.

 


Un prochain dimanche de l'année...

 

Les Poissons et le Berger qui joue de la flute

Tircis, qui pour la seule Annette
               Faisait résonner les accords
               D'une voix et d'une musette
               Capables de toucher les morts,
               Chantait un jour le long des bords
               D'une onde arrosant des prairies,
Dont Zéphire habitait les campagnes fleuries.
Annette cependant à la ligne pêchait ;
               Mais nul poisson ne s'approchait.
               La Bergère perdait ses peines.
               Le Berger qui par ses chansons,
               Eût attiré des inhumaines,
        Crut, et crut mal, attirer des poissons.
Il leur chanta ceci : Citoyens de cette onde,
Laissez votre Naïade en sa grotte profonde .
Venez voir un objet mille fois plus charmant.
Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle :
               Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle :
               Vous serez traités doucement,
               On n'en veut point à votre vie :
Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal.
Et, quand à quelques-uns l'appât serait fatal,
Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie.
Ce discours éloquent ne fit pas grand effet :
L'auditoire était sourd aussi bien que muet.
Tircis eut beau prêcher : ses paroles miellées
               S'en étant aux vents envolées,
Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris,
Voilà les poissons mis aux pieds de la Bergère.
Ô vous Pasteurs d'humains et non pas de brebis,
Rois qui croyez gagner par raisons les esprits
               D'une multitude étrangère,
Ce n'est jamais par là que l'on en vient à bout ;
               Il y faut une autre manière :
Servez-vous de vos rets, la puissance fait tout.